Respectez-vous systématiquement les règles, au risque d’être paralysés ?

En janvier 2017, le Chili est ravagé par d’immenses feux de forêt,  300 000 hectares sont détruits en un peu plus d’une semaine. Le matin même de la mission, le commandant de la base d’Istres, se voit demander de poser l’avion dans la nuit.

Or la piste, n’est à l’époque pas homologuée pour accueillir des avions de nuit. En cas d’accident, le commandant porterait  la majeure partie de la responsabilité lors d’un éventuel procès. Il doit donc décider, dans l’incertitude de l’urgence, si il accepte l’atterrissage de l’avion.

Ce cas illustre parfaitement le genre de dilemmes auxquels sont parfois confrontés les cadres et les dirigeants, face à l’imprévu et en période de crise. Doivent-ils systématiquement respecter les règles, au risque d’être paralysés ? Agir au nom de l’utilité, au risque de se placer en dehors de la norme ? Aujourd’hui, les exigences de performance, d’une part, et l’accumulation des normes et des lois, d’autre part, rendent ces situations de plus en plus courantes et inconfortables.

Deux profils de managers émergent alors. 

– le timoré, qui préfére respecter les normes , pour éviter que sa carrière ne s’effondre. Ce type de leadership aboutit à l’inaction.

– le téméraire, qui pense que les normes sont des obstacles  à l’action, et qu’il ne faut pas toujours analyser tous les angles. 

Une alternative : La méthode Prisme

Il existe toutefois une troisième solution, une forme de point d’équilibre entre ces deux voies, la méthode Prisme ( Prise de RISque Mesurée). Ce procédé offre une solution rapide et efficace pour décortiquer rapidement la problématique en sept points  fondamentaux.

Voici en quoi consiste la méthode Prisme, appliquée à notre cas.

1. Risque : quels sont précisément les risques, lors de l’atterrissage ?

En cas de sortie de piste, l’avion pourrait percuter l’un des obstacles encore présent. De jour, la probabilité de sortie étant plus faible, la norme civile considère ce risque acceptable, mais pas de nuit.

2. Norme : quelle est la règle, la loi, la norme applicable au cas envisagé ? Qui la fixe ?

La Direction générale de l’aviation civile demande qu’il n’y ait pas d’obstacle sur une bande de 150 mètres de part et d’autre de la piste pour l’atterrissage et le décollage.

3. Ecart : quel est l’écart entre la norme et le cas envisagé ? Est-il important, relatif, faible ?

Il ne reste que quelques obstacles, en cours de destruction. On estime que l’écart est très faible.

4. Evitement : des alternatives sont-elles possibles ? La mission est-elle impérative ?

Deux options ont été proposées : attendre cinq heures pour poser l’avion de jour ou le dérouter sur l’aéroport de Marseille qui, lui, est homologué. Etant donné l’urgence de la mission, les deux alternatives ont été rejetées.

5. Atténuation : quelles mesures d’atténuation du risque peuvent être envisagées ?

Pour limiter le risque de sortie de piste à l’atterrissage, trois options sont possibles. La première consiste à bien expliquer la problématique aux pilotes, afin d’augmenter leur vigilance. La deuxième revient à limiter la capacité à se poser par vent de travers, ce qui est un facteur favorisant la sortie de piste. Enfin, les services de secours peuvent être mis en alerte.

6. Plan d’action : un plan d’action à moyen terme est-il prévu pour résoudre l’écart ?

La question d’un plan d’action visant à supprimer l’écart par rapport à la norme sera évidemment posée par le juge en cas d’accident.

7. Compte rendu : comment, et à qui, rendre compte de la décision ?

Le timoré, pourra repousser la responsabilité au niveau supérieur. Le téméraire, quant à lui, gardera le problème à son niveau, pour éviter de tout bloquer. Il existe, de nouveau, une troisième voie intermédiaire. Elle consiste, pour le responsable, à rendre compte de la décision prise, sur la base de l’analyse de risque effectuée, en laissant un laps de temps suffisant pour que le supérieur en question puisse réagir. Cette démarche prudente, mais résolue, permet de privilégier l’action à l’immobilisme.

Prendre ses responsabilités, agir dans une prise de risque mesurée,  n’est-ce pas finalement savoir penser « out of the box » ?